DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. com., 29 février 2000
pourvoi 96-18.803

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 29 février 2000 (pourvoi 96-18.803)

Cour de cassation, chambre commerciale
29 février 2000, pourvoi 96-18.803

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

I - Sur le pourvoi n° W 96-18.803 formé par la société Thor, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 10 mai 1996 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section B) , au profit :

1 / de Mme Monique X..., domiciliée ...,

2 / de M. Jean-Claude Y..., mandataire judiciaire, demeurant ..., pris en sa qualité de représentant des créanciers et de liquidateur de la société Etoile télématique,

défendeurs à la cassation ;

II - Sur le pourvoi n° T 97-10.409 formé par la société Thor,

en cassation d'un arrêt rendu le 14 novembre 1996 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section B), au profit de Mme Monique X...,

défenderesse à la cassation ;

La demanderesse aux pourvois invoque, à l'appui du premier, trois moyens de cassation annexés au présent arrêt et à l'appui du second, un moyen de cassation annexé au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 19 janvier 2000, où étaient présents : M. Dumas, président, Mme Vigneron, conseiller rapporteur, MM. Grimaldi, Tricot, Badi, Mmes Aubert, Tric, Besançon, Lardennois, Collomp, conseillers, Mme Graff, M. de Monteynard, conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Vigneron, conseiller, les observations de la SCP Rouvière et Boutet, avocat de la société Thor, de Me Guinard, avocat de Mme X..., de Me Le Prado, avocat de M. Y..., ès qualités, les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu leur connexité, joint les pourvois n W 96-18.803 et n T 97-10.409 formés par la société Thor contre les arrêts rendus respectivement le 10 mai 1996 et le 14 novembre 1996 ;

Attendu, selon les arrêts attaqués que, par contrat à durée déterminée, la société Thor a donné en location à Mme X... un matériel informatique fourni par la société Etoile Télématique ; que concomitamment, cette société qui exploite un réseau télématique de diffusion d'images publicitaires, a conclu avec Mme X... un contrat aux termes duquel elle s'est engagée à alimenter ce matériel informatique en images publicitaires, à assurer sa maintenance et à reverser à Mme X... une partie des recettes provenant de l'exploitation du matériel ; que la société Etoile Télématique a cessé de fournir ses prestations à la suite de sa liquidation judiciaire et que le 2 août 1991, son liquidateur a notifié à Mme X... la résiliation du contrat publicitaire ; que Mme X... n'a plus payé les loyers à compter du 1er mars 1992 ; que la société Thor a assigné Mme X... en résiliation du contrat de location et en paiement des loyers échus et à échoir ;

Sur le premier moyen, pris en ses cinq branches du pourvoi n W 96-18.803 :

Attendu que la société Thor reproche à l'arrêt d'avoir prononcé, à ses torts, la résiliation du contrat de location à compter du mois d'août 1991, et de l'avoir condamnée à restituer à Mme X... les loyers perçues du 2 août 1991 au 29 février 1992, ainsi que les sommes réglées en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, alors, selon le pourvoi, de première part, qu'il est stipulé au contrat intitulé "contrat de location d'équipement informatique Thor", auquel la société Thor est clairement "dénommée le loueur", que le matériel objet de la location est "fourni par Etoile Télématique" et que ce fournisseur désigné assure les frais de livraison et d'installation ainsi que la maintenance dudit matériel ; qu'en affirmant que ce contrat ne contient "aucun renseignement permettant d'identifier un fournisseur autre que la société Thor", la cour d'appel a dénaturé les termes clairs et précis de ces diverses mentions et violé l'article 1134 du Code civil ; alors, de deuxième part, qu'il résultait des termes clairs et précis du contrat de location litigieux, représentant la "convention intégrale entre les parties", que la maintenance de l'équipement était assurée par le fournisseur dans le "cadre d'un contrat indépendant" et qu'aucune difficulté ne pourrait à cet égard justifier une réduction de loyer ou une indemnité, le contrat étant conclu "irrévocablement" pour la durée prévue au contrat ; qu'était ainsi clairement exprimée la volonté des parties, de conclure une convention de location parfaitement autonome par rapport au but recherché par ailleurs par le locataire, but qui n'était pas même précisé ni entre dans le champ contractuel ; qu'en considérant néanmoins comme indivisibles ces conventions et en affirmant que l'une n'a pas d'objet ni de cause sans l'existence de l'autre, la cour d'appel a violé, ensemble, les articles 1128, 1131 et 1134 du Code civil ; alors, de troisième part, que les recettes publicitaires susceptibles d'être partagées entre la société Etoile Télématique et ses adhérents étant liées à l'exploitation commerciale du réseau, nécessairement aléatoire, la cour d'appel ne

pouvait affirmer comme elle l'a fait, pour retenir encore l'existence d'une opération unique, que ces recettes "couvraient" les loyers dus ; qu'elle a pu par cette affirmation injustifiée, privé sa décision de toute base légale au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ; alors, de quatrième part, que l'absence de délégation au locataire des recours du bailleur contre son propre fournisseur restait totalement indifférente en l'espèce, dès lors que l'inexploitation des équipements litigieux n'était pas liée à un vice de ceux-ci, mais était la conséquence du redressement judiciaire de la société Etoile Télématique à laquelle un autre prestataire de services avait proposé de se substituer ; que ce motif inopérant est insusceptible de justifier l'arrêt au regard des articles 1134 et 1184 du Code civil ; et alors, enfin, que l'engagement de la société Thor, bailleur, était limité à la mise à disposition du matériel dont le locataire a pris possession sans réserves, la maintenance et l'exploitation dudit matériel étant expressément dévolues par l'article 8 du contrat de location au "fournisseur" désigné, la société Etoile Télématique ; qu'ainsi la société Thor, qui avait satisfait à ses obligations et n'était pas en mesure de se substituer à ce dernier, n'avait pas à garantir sa défaillance ; qu'ainsi l'arrêt est à tous égards dépourvu de base légale au regard des articles 1719, 1134 et 1184 du Code civil ;

Mais attendu, en premier lieu, que la cour d'appel n'a pas dit que le contrat de location du matériel ne contenait aucun renseignement permettant d'identifier un fournisseur de ce matériel autre que la société Thor ;

Attendu, en second lieu, qu'après avoir relevé que le démarcheur de la société Etoile Télématique était en possession des contrats pré-imprimés de cette société et de la société Thor et qu'il avait fait signer, le même jour, à Mme X..., le contrat de location et le contrat publicitaire pour une durée identique, l'arrêt retient que ce démarcheur était le mandataire des sociétés Etoile Télématique et Thor et qu'il était chargé d'utiliser les contrats pré-imprimés, dans le cadre d'une proposition commerciale globale d'une opération unique ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel a pu en déduire que ces contrats étaient indivisibles et que la résiliation du contrat de prestations de service impliquait la résiliation du contrat de location, abstraction faite des motifs surabondants dont font état les troisième, quatrième et cinquième branches ;

D'où il suit que le moyen, qui manque en fait en sa première branche, ne peut être accueilli pour le surplus ;

Et sur le troisième moyen du même pourvoi :

Attendu que la société Thor reproche encore à l'arrêt de l'avoir condamnée à restituer à Z... Antoine les sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement avec intérêts au taux légal à compter du paiement, alors, selon le pourvoi, que celui qui a détenu en vertu d'un titre exécutoire le montant de condamnations prononcées à son profit ne peut être tenu, son titre ayant disparu, au paiement des intérêts qu'à compter de la demande de restitution, celle-ci ne pouvaient être antérieure à la signification de l'arrêt qui a fait naître la créance de restitution, en réformant le jugement de première instance qui avait été exécuté en raison de l'exécution provisoire qui lui était attachée ; qu'en condamnant la société Thor à restituer les sommes ainsi versées avec intérêts au taux légal à

compter du paiement, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 1153, alinéa 3 du Code civil ;

Mais attendu, qu'après avoir condamné la société Thor à restituer à Z... Antoine les sommes qu'elle avait réglées, en vertu du jugement assorti de l'exécution provisoire, majorées des intérêts au taux légal, la cour d'appel, par un motif non attaqué, a fixé le point de départ de ces intérêts à compter de la date des paiements, à titre de dommages-intérêts et non à titre moratoire ; que le moyen ne peut être accueilli ;

Mais sur le deuxième moyen du même pourvoi et sur le moyen unique du pourvoi n T 97-10.409, pris en leur première branche réunis :

Vu les articles 463 et 464, ensemble l'article 4, du nouveau Code de procédure civile ;

Attendu que la juridiction qui s'est prononcée sur des choses non demandées, peut rétracter sa décision de ce chef, sans porter atteinte à la chose jugée quant aux autres chefs ;

Attendu que la cour d'appel a dans son arrêt du 10 mai 1996, condamné la société Thor à restituer à Mme X... les loyers perçus du 2 août 1991 au 29 février 1992, avec intérêts au taux légal à compter de la demande puis dans son arrêt du 14 novembre 1996, rejeté la demande de la société Thor en rectification de cette décision, en retenant qu'elle avait statué sur une chose non demandée, mais qu'il s'agissait d'une erreur juridique qui ne pouvait donner lieu à rectification par la juridiction qui l'avait commise ;

Attendu qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Et attendu qu'il y a lieu de faire application de l'article 627, alinéa 1er, du nouveau Code de procédure civile, la cassation totale de l'arrêt du 14 novembre 1996 et la cassation partielle de l'arrêt du 10 mai 1996, impliquant seulement le retranchement de la disposition annulée du dernier arrêt sans qu'il soit nécessaire de statuer à nouveau à son sujet ;

PAR CES MOTIFS et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs :

CASSE ET ANNULE mais seulement en ce qu'il a condamné la société Thor à restituer à Mme X... les loyers perçus du 2 août 1991 au 29 février 1992, avec intérêts au taux légal à compter de la demande, l'arrêt, rendu le 10 mai 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

CASSE ET ANNULE en toutes ses dispositions, l'arrêt, rendu le 14 novembre 1996, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Condamne Mme X... aux dépens ;

Met en outre à sa charge ceux afférents à l'instance ayant donné lieu à l'arrêt du 14 novembre 1996 ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de Mme X... et de M. Y..., ès qualités ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite des arrêts cassés ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf février deux mille.


 

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