DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. com., 4 mai 1999
pourvoi 97-12.085

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre commerciale, du 4 mai 1999 (pourvoi 97-12.085)

Cour de cassation, chambre commerciale
4 mai 1999, pourvoi 97-12.085

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le pourvoi formé par la société Sève Minervoise, société anonyme, dont le siège est ...,

en cassation d'un arrêt rendu le 28 novembre 1996 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre civile, section A), au profit :

1 / de M. Gérard Y..., demeurant ...,

2 / de M. Jacques X..., notaire, pris tant en son nom personel qu'en sa qualité d'associé de la SCP X... Galinier Jeansou Caminade, demeurant ...,

3 / de la société civile professionnelle (SCP) Brousse Galinier Jeansou Caminade, dont le siège est ...,

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

LA COUR, en l'audience publique du 9 mars 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, Mme Mouillard, conseiller référendaire rapporteur, MM. Nicot, Leclercq, Léonnet, Poullain, Métivet, Mme Garnier, conseillers, MM. Huglo, Boinot, Mmes Chanpalaune, Gueguen, conseillers référendaires, M. Jobard, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Mouillard, conseiller référendaire, les observations de la SCP Tiffreau, avocat de la société Sève Minervoise, de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. X... et de la SCP X... Galinier Jeansou Caminade, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. Y..., les conclusions de M. Jobard, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué (Montpellier, 28 novembre 1996) que, par acte sous seing privé du 22 novembre 1984, M. Gérard Y... a vendu à la société Sève Minervoise, pour le prix de 800 000 francs, un fonds de commerce de vente en gros de bières et autres boissons, sous les conditions suspensives, d'une part, de la dissolution de la société qui exploitait alors le fonds et de l'attribution de celui-ci à M. Y... et, d'autre part, de l'obtention d'un emprunt par la société acquéreur ; qu'il était convenu que, si les conditions suspensives étaient réalisées le 1er janvier 1985, la vente serait définitive, mais que l'acquéreur n'aurait la "toute propriété" du fonds qu'à dater de la signature de l'acte authentique prévue pour le 31 décembre 1987 ; que, par un acte postérieur, M. Y... à donné le fonds en location-gérance à la société Sève Minervoise pour une durée de trois ans à compter du 1er janvier 1985 ; qu'un différend est survenu entre les parties à propos du paiement des redevances et que la société Sève Minervoise a assigné M. Y... en annulation de la vente, invoquant l'omission des mentions relatives aux résultats du fonds imposées par l'article 12 de la loi du 29 juin 1935 ; qu'elle a également assigné en responsabilité le notaire rédacteur de l'acte, M. X... ;

Sur le premier moyen :

Attendu que la société Sève Minervoise reproche à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement déféré qui avait rejeté sa demande en annulation du contrat de vente du fonds de commerce alors, selon le pourvoi, que, dans ses conclusions d'appel, elle faisait valoir que l'acte de vente était nul en raison du vice du consentement imputable au "dol" par réticence du vendeur, qui avait dissimulé "les résultats commerciaux de son fonds" ; qu'en écartant cette demande, au motif inopérant que l'acquéreur avait exploité le fonds "pendant près de 3 ans sans protestation", après avoir constaté que l'acte ne comportait pas les "mentions obligatoires concernant le chiffre d'affaires et les bénéfices des 3 années précédentes", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'en l'état des conclusions de la société Sève Minervoise qui se bornait à invoquer un dol ayant consisté, de la part de M. Y..., à cacher les résultats commerciaux pour masquer "l'inexistence flagrante du fonds de commerce", la cour d'appel a pu retenir que le fonds n'était pas inexistant, puisqu'il avait été exploité pendant trois ans, sans protestation, par la société Sève Minervoise, et qu'ainsi, le dol n'était pas prouvé ; que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen, pris en ses quatre branches :

Attendu que la société Sève Minervoise reproche aussi à l'arrêt d'avoir "dit que l'acte de vente n'est pas caduc et n'y avoir lieu à restitution du prix de vente" alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en déclarant que "si les conditions suspensives stipulées n'avaient pas été remplies, les parties n'auraient pas signé l'acte de location-gérance du 17 janvier 1985", la cour d'appel a fondé sa décision sur un motif inopérant comme hypothétique et privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ; alors, d'autre part, que, dans ses conclusions d'appel, la société Sève Minervoise faisait valoir qu'il y avait "lieu de constater la caducité de l'acte" dès lors qu'"aucun acte authentique n'a été régularisé au plus tard le 31 décembre 1987", contrairement à la clause stipulant que "l'acquéreur aura la toute propriété du fonds et de la jouissance (...) par la signature de l'acte prévue pour le 31 décembre 1987", ledit acte n'ayant jamais été signé ;

qu'en omettant de répondre à ce moyen pertinent, la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, en outre, que, comme le faisait valoir la société Sève Minervoise dans ses conclusions d'appel, il incombait à M. Y... de justifier "au plus tard le 31 décembre 1984" de la réalisation de la "condition suspensive" prévue à l'acte de vente litigieux du 22 novembre 1984, à savoir la "dissolution de la société existant entre lui et M. Z... et que le fonds de commerce faisant l'objet des présentes lui soit attribué en pleine propriété" ; qu'à cet égard, il résulte des termes clairs et précis de l'acte du 23 décembre 1983, par lequel MM. Y... et Z... avaient constitué la société de fait Gout-Navals, ayant son siège ..., c'est à dire au siège social de M. Y..., que chaque partie apporte son propre fonds de commerce, composé notamment d'une clientèle ; que, par ailleurs, il résulte des termes clairs et précis du "protocole d'accord" conclu le 10 décembre 1984, mais enregistré le 8 janvier 1985, entre MM. Y... et Z..., que "chaque partie reprendra ses apports initiaux tels qu'ils ont été décrits dans un acte de déclaration en date du 23 décembre 1983 signé par les deux parties" ; qu'il résulte de la combinaison de ces deux actes que, lors de la dissolution de la société de fait, M. Y... n'a pu reprendre que "ses apports initiaux", c'est à dire son propre fonds de commerce et donc, sa propre clientèle, et non l'ensemble du fonds exploité à Carcassonne par la société de fait ; que, par suite, la condition suspensive susvisée n'a pu être réalisée dans le délai contractuellement prévu ; qu'en décidant le contraire, au motif que "la dissolution de la société de fait Gout-Navals est intervenue par acte du 10 décembre 1984, Gout a repris le fonds de Carcassonne qu'il avait apporté en 1982 et Navals celui de Trebes dont il était

propriétaire", la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; alors, au surplus, qu'en omettant de répondre aux conclusions de la société Sève Minervoise faisant valoir que "le protocole d'accord portant dissolution de la société de fait porte comme date certaine, c'est à dire la date d'enregistrement, le 8 janvier 1985", de sorte que "la condition suspensive n'a pas été levée avant le 31 décembre 1984 et l'acte est manifestement caduc", la cour d'appel a violé l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;

Mais attendu, en premier lieu, que la réalisation d'un acte authentique n'était pas une condition de validité de la vente, puisqu'il était prévu que cette dernière serait définitive si les conditions suspensives étaient accomplies avant le 1er janvier 1985 ; que la cour d'appel n'était donc pas tenue de répondre au moyen inopérant repris à la deuxième branche du moyen ;

Attendu, en second lieu, que l'article 1328 du Code civil, relatif à la date certaine des actes sous seing privé, n'est pas applicable en matière commerciale ; qu'ayant relevé qu'aux termes de l'acte de dissolution de la société de fait Gout-Navals, daté du 10 décembre 1984, M. Y... avait repris le fonds de Carcassonne qu'il avait apporté en 1982 et que l'emprunt avait été accordé à la société Sève Minervoise avant le 31 décembre 1984, la cour d'appel a pu, justifiant par là-même sa décision, retenir que les conditions suspensives s'étaient réalisées avant le 1er janvier 1985 et que la vente n'était pas caduque ;

D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses quatre branches ;

Sur le troisième moyen :

Attendu que la société Sève Minervoise reproche enfin à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande tendant à voir condamner M. X... et la société civile professionnelle de notaires Brousse-Galinier- Jeansou-Caminade à lui payer des dommages et intérêts alors, selon le pourvoi, que, comme elle l'avait fait valoir dans ses conclusions d'appel, le notaire-rédacteur avait la charge de prouver qu'il avait effectué son devoir d'information et de conseil et qu'il avait assuré l'efficacité juridique de l'acte sous seing privé ; que tel n'a pas été le cas en l'espèce, dès lors qu'il ne résulte pas de l'acte que le notaire-rédacteur a spécialement attiré l'attention de l'acquéreur, non seulement sur la méconnaissance de la loi, ce que constate l'arrêt, mais aussi et surtout sur le risque résultant d'une méconnaissance des bases de détermination du prix de vente et des prévisions d'exploitation ; qu'ainsi, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1134 du Code civil ;

Mais attendu qu'ayant relevé que le préjudice résultant de la faute invoquée n'était en rien démontré, la cour d'appel a, par ce seul motif, abstraction faite de tous autres surabondants, justifié sa décision ;

que le moyen ne peut être accueilli ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Sève Minervoise aux dépens ;

Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. Y... et de M. X... et de la SCP X... Galinier Jeansou Caminade ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre mai mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.


 

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