DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. crim., 12 mai 1998
pourvoi 96-85.900

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 12 mai 1998 (pourvoi 96-85.900)

Cour de cassation, chambre criminelle
12 mai 1998, pourvoi 96-85.900

REJET du pourvoi formé par :

- X..., partie civile,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Douai, 6e chambre, en date du 25 avril 1996, qui l'a débouté de ses demandes, après avoir relaxé Y... du chef d'opposition à l'exercice du droit d'accès prévu par la loi du 6 janvier 1978, relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

LA COUR,

Vu l'article 21 de la loi du 3 août 1995 portant amnistie ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 34 de la loi du 6 janvier 1978, 1er du décret du 23 décembre 1981 et 593 du Code de procédure pénale :

" en ce que l'arrêt attaqué a renvoyé Y... des fins de la poursuite ;

" aux motifs que le prévenu est poursuivi sur le fondement de l'article 1er, alinéa 3, du décret du 23 décembre 1981, instituant des contraventions de police en cas de violation de certaines dispositions de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 relatives à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, et selon lequel seront passibles des peines prévues pour les contraventions de 5e classe ceux qui se seront opposés à l'exercice du droit d'accès par son titulaire en refusant de répondre aux demandes de renseignements ou de communication présentées en application des articles 34 et 35 de la loi du 6 janvier 1978, auxquels il est ainsi renvoyé, précisent que toute personne justifiant de son identité a le droit d'interroger les services ou organismes chargés de mettre en oeuvre les traitements automatisés en vue de savoir si ces traitements portent sur des informations nominatives la concernant et ajoutent que le titulaire du droit d'accès peut obtenir communication de ces informations ; qu'il est constant que, dans la procédure de première instance, tant dans sa lettre à la Sofres qu'à celle adressée au procureur de la République, X..., qui n'avait jamais précisé qu'il avait été lui-même questionné par téléphone, revendiquait le droit de connaître le nom du commanditaire du sondage en sa qualité de "sujet sondé", mais en sa seule qualité "d'objet de sondage" ; que sa nouvelle défense en cause d'appel fondée sur la production d'attestations tardives et non convaincantes ne peut donc prospérer ; que c'est la loi du 19 juillet 1977 qui réglemente la loyauté des sondages en énumérant les renseignements qui doivent figurer dans leurs publications, notamment sur l'identité du commanditaire ; que la loi du 6 janvier 1978 protège, elle, le citoyen contre les abus et dévoiements possibles de l'informatique en lui garantissant la communication des informations recueillies et exploitées à son nom ; que les renseignements sollicités par X... auprès de la Sofres en sa qualité de maire sur le sondage d'opinion privé dont il était en partie l'objet et qui était destiné à recueillir anonymement des intentions de vote, ne rentraient pas dans le champ d'application de la loi du 6 janvier 1978 et de son décret d'application et que le fondement légal des poursuites est inapplicable aux faits de la prévention ;

" alors, d'une part, que sont nuls, en vertu de l'article 593 du Code de procédure pénale, les arrêts qui ne contiennent pas de motifs ou dont les motifs sont insuffisants ; que ne satisfait pas à cette exigence de motivation la cour d'appel qui, en procédant par voie de simple affirmation, se détermine par le seul visa des documents de la cause sans les avoir analysés ; qu'en l'espèce la cour d'appel s'est bornée à qualifier de tardives et non probantes les attestations produites par X... pour justifier avoir été personnellement questionné par téléphone, sans avoir analysé le contenu de ces attestations pourtant précises circonstanciées et concordantes ; qu'en statuant ainsi, sans procéder à aucune analyse même sommaire des attestations qui lui étaient soumises, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ;

" alors, d'autre part, qu'en vertu de l'article 34 de la loi du 6 janvier 1978, toute personne justifiant de son identité est en droit d'obtenir communication des informations nominatives la concernant ; qu'entrent dans le champ d'application de cette disposition les informations faisant l'objet d'un traitement automatisé et collectées à l'occasion d'un sondage ; que les personnes interrogées, tout comme la personne nommément désignée dans le sondage, sont en droit d'obtenir le libellé exact des questions posées ainsi que les réponses ou résultats statistiques la concernant, tout comme le nom du commanditaire du sondage ; qu'en l'espèce, en limitant le droit de communication aux seules personnes interrogées dans le cadre du sondage, à l'exclusion de la personne nommément désignée par les questions du sondage, après avoir constaté que plusieurs des questions du sondage portaient nommément sur X..., la cour d'appel a violé par refus d'application l'article 34 de la loi du 6 janvier 1976 et, par suite, l'article 1er du décret du 23 décembre 1981 " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué qu'à l'occasion des élections municipales de 1995, la Société française d'enquêtes et de sondages (Sofres) a réalisé, au mois d'avril de cette même année, un sondage sur les intentions de vote des électeurs de la commune de Z... ; que X..., maire sortant et candidat aux élections, a sommé l'organisme précité de lui communiquer le nom du commanditaire de l'opération ; que, l'institut de sondage ayant refusé, le procureur de la République a fait citer Y..., président de la Sofres, devant le tribunal de police, sur le fondement de l'article 1er, 3, du décret du 23 décembre 1981, pour s'être opposé à l'exercice du droit d'accès par son titulaire, en refusant de répondre à une demande de renseignements ou de communication présentée en application des articles 34 et 35 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Attendu que, pour déclarer l'infraction non établie et débouter X..., partie civile, de ses demandes, l'arrêt confirmatif attaqué se prononce par les motifs exactement reproduits au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces énonciations, dépourvues d'insuffisance et procédant de l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause et de la valeur des éléments de preuve contradictoirement débattus, la juridiction du second degré a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;

Qu'en effet les résultats d'un sondage portant sur une personne, qui représentent l'état statistique, à un moment donné, de l'opinion de la population sur celle-ci, ne constituent pas une information nominative au sens de l'article 4 de la loi du 6 janvier 1978 ; qu'il s'en déduit que, dès lors que les résultats ne lui sont pas opposés, cette personne ne saurait bénéficier du droit d'accès et des prérogatives qui en découlent, prévus par les articles 34 et suivants de ladite loi, ni exiger la communication du nom du commanditaire de l'opération ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.


 

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