DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. crim., 26 octobre 1995
pourvoi 94-84.858

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 26 octobre 1995 (pourvoi 94-84.858)

Cour de cassation, chambre criminelle
26 octobre 1995, pourvoi 94-84.858

REJET du pourvoi formé par :

- X... Gérard,

contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, 11e chambre, du 27 septembre 1994, qui, pour recel de violation de secret professionnel, l'a condamné à 4 mois d'emprisonnement avec sursis et à 20 000 francs d'amende, à des réparations civiles et dit que la condamnation ne figurera pas au bulletin n° 2 du casier judiciaire.

LA COUR,

Vu le mémoire produit ;

Sur le moyen unique de cassation pris de la violation de l'article 11 du Code de procédure pénale, des articles 378 et 460 de l'ancien Code pénal, des articles 226-13 et 321-1 du nouveau Code pénal, de l'article 25 de la loi no 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, de l'article 6-2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :

" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré le demandeur coupable de recel de secret professionnel ;

" aux motifs, d'une part, que M. Y..., fonctionnaire de police assujetti aux obligations du secret professionnel, a sciemment donné connaissance à M. Z..., détective privé, de la fiche de police des antécédents intéressant M. B... alors que cette fiche comporte des informations de nature confidentielle dont il n'avait connaissance qu'à l'occasion de ses fonctions de policier ;

" aux motifs, d'autre part, que M. Z... et M. A... ont sciemment communiqué ces informations à Gérard X... contre rémunération ; que Gérard X..., qui a utilisé le document remis par MM. Z... et A... dans le cadre de la procédure civile opposant les époux B...- C..., s'est également rendu coupable de recel de violation de secret professionnel puisqu'il a pu constater que la fiche (telle qu'elle résultait du montage) comportait l'en-tête de la préfecture de police et de la direction de la police judiciaire, alors qu'il savait qu'elle n'avait pas été obtenue de façon officielle, ayant dû s'adresser à des détectives privés et payer plus de 15 000 francs pour l'obtenir ; qu'il n'est pas sérieux de prétendre que les renseignements figurant sur les fiches SATI ne seraient pas secrets et feint de soutenir que ces renseignements peuvent être obtenus par tout avocat auprès du parquet par l'intermédiaire du bureau d'ordre ;

" aux motifs, enfin, qu'à la seule lecture de la pièce litigieuse, Gérard X... a nécessairement vu qu'il s'agissait d'une pièce policière et qu'il a donc eu conscience de révéler un secret en l'utilisant dans le cadre de la procédure civile ;

" 1o) alors qu'aux termes de l'article 11 du Code de procédure pénale dans sa rédaction en vigueur à l'époque des faits " sauf dans le cas où la loi en dispose autrement et sans préjudice des droits de la défense, la procédure au cours de l'enquête et de l'instruction est secrète. Toute personne qui concourt à cette procédure est tenue au secret professionnel dans les conditions et sous les peines de l'article 378 du Code pénal " ; qu'il résulte des énonciations de l'arrêt que la fiche de police transmise à M. Z... par M. Y... faisait état de deux procédures respectivement établies par les commissariats de la Muette et de Saint-Germain-des-Prés en février 1975 et décembre 1978 pour vol avec violences et port d'arme blanche ; que, par ailleurs l'arrêt a constaté que M. Y... était en fonction au service des renseignements généraux et qu'il ne se déduit d'aucune des énonciations de l'arrêt qu'il ait concouru aux procédures précitées en sorte qu'il ne pouvait être tenu au secret professionnel dans le cadre de l'article 11 du Code de procédure pénale ;

" 2o) alors que le recel n'est légalement constitué que si la chose est le produit d'un crime ou d'un délit objectivement punissable ; que l'article 25 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations distingue l'obligation au secret professionnel et l'obligation de discrétion professionnelle ; que seule la première de ces obligations qui suppose nécessairement que la personne soit dépositaire du secret, c'est-à-dire que ce secret lui ait été confié personnellement, est sanctionnée par les peines des articles 378 de l'ancien Code pénal et 226-13 du nouveau Code pénal ; que la seconde obligation qui concerne tout fonctionnaire ayant connaissance d'un document ou d'une information dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions n'est sanctionnée que de peines disciplinaires ; que selon les constatations de l'arrêt, M. Y... avait eu simplement accès à la fiche dont la transmission lui a été reprochée et n'était dès lors tenu en ce qui concerne ce document que d'une obligation de discrétion et que dès lors, à défaut d'infraction principale pénalement punissable, le délit de recel de secret n'a pu être retenu à l'encontre du demandeur qu'au prix d'une violation caractérisée de la loi ;

" 3o) alors qu'en matière de recel, il appartient au ministère public d'établir l'élément intentionnel de l'infraction et que dès lors, en déduisant la mauvaise foi de Gérard X... de la nature de la pièce qu'il a utilisée, l'arrêt a renversé la charge de la preuve et méconnu le principe de la présomption d'innocence ;

" 4o) alors qu'aux termes de l'article 26 de la loi n° 83-6334 du 13 juillet 1983, les fonctionnaires peuvent être déliés de l'obligation de discrétion professionnelle par décision de l'autorité dont ils dépendent et que dès lors le seul fait d'utiliser une pièce policière n'implique pas à lui seul la connaissance de l'origine frauduleuse du renseignement communiqué ; qu'en cet état l'arrêt n'a pas caractérisé l'élément intentionnel du délit de recel poursuivi " ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que dans le cadre d'une procédure de divorce, Gérard X..., avocat de l'épouse, a communiqué une pièce censée émaner de la préfecture de police, direction de la police judiciaire, mentionnant que le mari avait fait l'objet de 2 enquêtes ; que ce document, obtenu contre rémunération par le canal de détectives privés, avait été remis à l'un de ceux-ci, sous la forme d'une fiche d'antécédents, par un fonctionnaire de police qui avait accès au service des archives et du traitement informatique ;

Que, pour déclarer Gérard X... coupable de recel du produit d'une violation de secret professionnel, les juges du second degré se prononcent par les motifs partiellement repris au moyen ;

Attendu qu'en l'état de ces mentions et énonciations, déduites d'une appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve contradictoirement débattus, la cour d'appel a, sans insuffisance ni renversement de la charge de la preuve, constaté l'existence du délit de violation du secret professionnel et a caractérisé en tous ses éléments constitutifs le délit de recel du produit de cette infraction ;

Qu'en effet, les fonctionnaires de police sont tenus au secret professionnel en ce qui concerne les informations parvenues à leur connaissance dans l'exercice de leur profession, et auxquelles la loi a conféré un caractère confidentiel dans un intérêt général et d'ordre public ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;

REJETTE le pourvoi.

 

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