DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. soc., 7 juin 1995
pourvoi 91-44.919

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre sociale, du 7 juin 1995 (pourvoi 91-44.919)

Cour de cassation, chambre sociale
7 juin 1995, pourvoi 91-44.919

Vu leur connexité, joint les pourvois n°s 91-44.919, 91-44.920 et 91-44.921 ;

Attendu qu'à compter du mois de mai 1989, la société Turbomeca a mis en place l'informatisation de son système de paiement des salaires en faisant appel à une entreprise extérieure ; qu'à partir de cette date, la société Turbomeca n'a plus remis les bulletins de paye à ses salariés en mains propres mais les leur a fait parvenir par la poste ; que MM. X... et Y..., salariés de la société, ont alors engagé une action prud'homale fondée sur les dispositions légales et conventionnelles ainsi que sur l'usage pratiqué dans l'entreprise, afin d'obtenir que les bulletins de paye leur soient de nouveau remis en mains propres, et que l'employeur soit condamné au paiement de dommages-intérêts en réparation du préjudice causé par l'envoi des bulletins de paye par la poste ; que le syndicat CGT est intervenu en la cause pour faire prononcer la nullité de la décision prise par la société Turbomeca et obtenir également des dommages-intérêts ;

Sur le premier moyen :

Attendu que les salariés et le syndicat CGT font grief à l'arrêt attaqué de les avoir déboutés de leurs demandes alors, selon le moyen, que l'article L. 143-3 du Code du travail, l'article 20 de la convention collective de la métallurgie des Pyrénées-Atlantiques ou les articles 6 et 12 de la convention collective de la métallurgie de la région parisienne précisent que l'employeur doit " remettre " au salarié des bulletins de paye lors du paiement de la rémunération et que ce terme, que l'on se réfère à l'étymologie, à la sémantique ou aux textes légaux ou conventionnels ne peut s'entendre qu'au sens de délivrer en mains propres ; qu'en lui donnant une signification différente, la cour d'appel a violé les articles L. 143-3 du Code du travail et les conventions collectives susvisées ;

Mais attendu que la cour d'appel a énoncé justement que la voie postale n'était qu'une modalité de remise des bulletins de paye au salarié et que le recours à cette modalité n'était pas interdit par les textes invoqués ;

Que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen : (sans intérêt) ;

Mais sur le troisième moyen :

Vu les articles 16 et 27 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Attendu qu'aux termes du premier de ces textes, les entreprises privées, autres que celles qui gèrent un service public, ont l'obligation, avant de mettre en place un traitement automatique d'informations nominatives, d'en faire la déclaration auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; que, selon le second, les personnes auprès desquelles sont recueillies des informations nominatives doivent être informées du caractère obligatoire ou facultatif des réponses ; des conséquences à leur égard d'un défaut de réponse ; des personnes physiques ou morales destinataires des informations ; de l'existence d'un droit d'accès et de rectification ;

Attendu que, pour rejeter les demandes de dommages-intérêts des salariés et du syndicat CGT en ce qu'elles se fondaient sur le non-respect des dispositions susvisées, la cour d'appel a énoncé que, postérieurement à l'introduction de l'instance prud'homale, l'employeur avait régularisé la situation en adressant à la CNIL la déclaration prévue à l'article 26 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Qu'en statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations qu'en mettant en place un traitement automatique d'informations nominatives avant d'en avoir fait la déclaration à la CNIL, l'employeur avait commis une faute dont il lui appartenait de déterminer si elle avait causé aux salariés le préjudice dont ils demandaient réparation, et alors qu'elle n'avait pas recherché si l'employeur avait fourni aux salariés les informations spécifiques que l'article 27 de la loi du 6 janvier 1978 lui imposait de fournir, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ses dispositions rejetant les demandes en dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 5 septembre 1991, entre les parties, par la cour d'appel de Pau ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel d'Agen.


 

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