DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

Cass. crim., 3 novembre 1987
pourvoi 87-83.429

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour de cassation, chambre criminelle, du 3 novembre 1987 (pourvoi 87-83.429)

Cour de cassation, chambre criminelle
3 novembre 1987, pourvoi 87-83.429

CASSATION PARTIELLE dans l'intérêt de la loi sans renvoi sur le pourvoi formé dans l'intérêt de la loi par le procureur général près la Cour de Cassation d'ordre du garde des Sceaux,

contre un arrêt de la cour d'appel de Rennes, chambre correctionnelle, en date du 24 juin 1986, qui, dans une poursuite exercée contre X... notamment pour mise en oeuvre, sans déclaration préalable, d'un traitement automatisé d'informations nominatives et pour enregistrement ou conservation de données collectées par des moyens frauduleux, déloyaux ou illicites, a relaxé le prévenu de ces deux chefs.

LA COUR,

Vu la dépêche du garde des Sceaux, ministre de la Justice, datée du 8 avril 1987 ;

Vu la requête du procureur général près la Cour de Cassation en date du 23 juin 1987 ;

Vu l'article 620 du Code de procédure pénale ;

Attendu que X..., gérant d'une société de recouvrement de créances, a, sur les indications qui lui étaient données par ses clients, mis en oeuvre un traitement automatisé d'informations nominatives comportant la mise en mémoire des nom, prénoms et adresse de chacun des débiteurs à poursuivre ainsi que le montant de sa dette et le numéro de son dossier ; qu'il a en outre recueilli des renseignements sur les facultés de chacune des personnes concernées en adressant au " propriétaire, gérant, syndic ou concierge " de l'immeuble qu'elle habitait une lettre sollicitant des indications sur son employeur, ses parents ou amis et son " degré de solvabilité " ; que, sur la dénonciation de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), X... a été poursuivi pour avoir mis en oeuvre le traitement automatisé précité sans en avoir fait la déclaration préalable à la Commission, et pour avoir enregistré ou conservé des données collectées par des moyens déloyaux ou illicites ; qu'il a été relaxé de ces deux chefs ;

En cet état :

Sur le second moyen de cassation pris de la violation des articles 25 et 42 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Attendu que, pour relaxer le prévenu du chef d'enregistrement ou conservation de données collectées par des moyens frauduleux, déloyaux ou illicites, les juges retiennent que les renseignements obtenus sur la solvabilité des personnes concernées figuraient dans leur dossier, mais non dans le traitement automatisé d'informations nominatives exploité par X..., ni dans aucun fichier ;

Attendu que par ce seul motif, et abstraction faite de tous autres erronés mais surabondants, la cour d'appel a justifié sa décision ;

Qu'en effet, pour que le délit prévu et puni par l'article 42 de la loi du 6 janvier 1978 soit constitué, il faut non seulement que des données aient été collectées par des moyens frauduleux, déloyaux ou illicites, ce qui était le cas en l'espèce, le procédé utilisé par X... ne sauvegardant en rien les droits conférés par la loi précitée aux personnes concernées, mais encore que ces données soient enregistrées ou conservées dans un fichier, qu'il soit ou non automatisé ;

D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Mais sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 4, 16 et 41 de la loi du 6 janvier 1978 ;

Vu lesdits articles ;

Attendu que sont réputées nominatives, au sens de la loi du 6 janvier 1978, les informations qui permettent, sous quelque forme que ce soit, directement ou non, l'identification des personnes physiques auxquelles elles s'appliquent ;

Attendu, en outre, que le délit de mise en oeuvre d'un traitement automatisé d'informations nominatives sans déclaration préalable a le caractère d'une infraction matérielle, le fait incriminé impliquant une faute dont le prévenu ne peut se disculper que par la force majeure ;

Attendu que pour relaxer X... de ce chef de prévention les juges énoncent qu'il " n'a rien d'un professionnel du traitement automatisé d'informations nominatives effectuées pour le compte d'autrui ", que les informations traitées par lui " ne permettent pas de donner une définition du profil ou de la personnalité " des débiteurs concernés, et que le prévenu a agi " sans intention coupable " ;

Mais attendu qu'en se prononçant ainsi alors, d'une part, que le traitement automatisé portait sur des informations nominatives au sens de l'article 4 de la loi précitée, et alors, d'autre part, que l'intention délictueuse n'est pas un élément constitutif du délit, la cour d'appel a méconnu le sens et la portée des textes susvisés ;

D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ;

Par ces motifs :

CASSE ET ANNULE, dans le seul intérêt de la loi, l'arrêt de la cour d'appel de Rennes, en date du 24 juin 1986, mais seulement en ce qu'il a relaxé X... du chef de mise en oeuvre d'un traitement automatisé d'informations nominatives sans déclaration préalable ;

Dit n'y avoir lieu à renvoi.

 

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