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Durée de conservation des données sensibles et licéité du traitement

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Durée de conservation des données sensibles et licéité du traitement



Conseil d'État
statuant au contentieux

N° 238206
Publié au Recueil Lebon

10ème et 9ème sous-sections réunies

Mme Agnès Daussun, Rapporteur
Mme Mitjavile, Commissaire du gouvernement
M. Martin, Président

Lecture du 18 mars 2005

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Vu la requête, enregistrée le 14 septembre 2001 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentée pour le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL, dont le siège est à l'Académie nationale de chirurgie, Les cordeliers, 15, rue de l'Ecole de médecine à Paris (75006), représenté par son secrétaire général ; le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL demande au Conseil d'Etat :

1°) d'annuler la délibération du conseil d'administration de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en date du 29 juin 2001 portant modification d'un traitement automatisé d'informations nominatives, mis en oeuvre dans les hôpitaux de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris par la direction des systèmes d'information, relatif à la comptabilité régie de recettes et d'avances (encaissement, paiement, comptabilisation) appelé CORRA ;

2°) de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris la somme de 30 000 F au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de la santé publique, notamment ses articles L. 6154-3, R. 714-28-11, R. 714-28-12 et R. 714-28-17 ;

Vu le code civil, notamment ses articles 2 et 9 ;

Vu le code pénal, notamment son article 226-13 ;

Vu la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, notamment ses articles 19 et 20 ;

Vu la loi n° 99-641 du 29 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, notamment son article 54, II ;

Vu le décret n° 2001-367 du 25 avril 2001 relatif à l'exercice d'une activité libérale par les praticiens hospitaliers à temps plein dans les établissements publics de santé et modifiant le code de la santé publique ;

Vu le code de justice administrative ;

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Agnès Daussun, Conseiller d'Etat,

- les observations de Me Foussard, avocat de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris,

- les conclusions de Mme Marie-Hélène Mitjavile, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que le SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL demande l'annulation de la délibération du conseil d'administration de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris en date du 29 juin 2001 portant modification d'un traitement automatisé d'informations nominatives mis en oeuvre dans les hôpitaux de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris par la direction des systèmes d'information, relatif à la comptabilité régie de recettes et d'avances (encaissement, paiement, comptabilisation), appelé CORRA ; que cette délibération a pour objet de tirer les conséquences de l'obligation, instaurée par l'article L. 6154-3 du code de la santé publique issu de l'article 54-II de la loi du 27 juillet 1999 portant création d'une couverture maladie universelle, pour les praticiens hospitaliers exerçant une activité libérale de percevoir leurs honoraires par l'intermédiaire de l'administration hospitalière ;

Sur la légalité de la délibération et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :

Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 15 de la loi du 6 janvier 1978 dans sa rédaction alors en vigueur : Hormis les cas où ils doivent être autorisés par la loi, les traitements automatisés d'informations nominatives opérés pour le compte (...) d'un établissements public (...) sont décidés par un acte réglementaire pris après avis motivé de la Commission nationale de l'informatique et des libertés ; qu'aux termes de l'article 19 de la même loi, dans sa rédaction alors en vigueur : La demande d'avis ou la déclaration doit préciser : (...) - les caractéristiques, la finalité et, s'il y a lieu, la dénomination du traitement ; (...) - les informations nominatives traitées, leur origine et la durée de leur conservation ainsi que leurs destinataires ou catégories de destinataires habilités à recevoir communication de ces informations (...) Toute modification aux mentions énumérées ci-dessus (...), est portée à la connaissance de la commission ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le traitement automatisé d'informations nominatives CORRA, dans son état initial qui a fait l'objet d'un avis favorable de la Commission nationale de l'informatique et des libertés du 12 août 1998 ne comportait aucune règle relative à la durée de conservation des informations nominatives traitées ; que la modification de ce traitement qui fait l'objet de la délibération attaquée a pour effet d'introduire des données dont le traitement et la conservation présentent un caractère sensible ; que ni la déclaration de cette modification effectuée par l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, ni l'avis rendu par la Commission nationale de l'informatique et des libertés sur cette modification le 28 août 2000 ne comportent de mention de la durée de conservation des données nominatives introduites par cette modification, contrairement aux dispositions précitées de l'article 19 de la loi du 6 janvier 1978 ; qu'ainsi la délibération du 29 juin 2001 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière ; que par suite le syndicat requérant est fondé à demander l'annulation de cette délibération ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge du SYNDICAT NATIONAL DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, la somme que l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et l'Etat demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche de mettre à la charge de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris une somme de 3 000 euros, au titre des frais exposés par le syndicat requérant et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : La délibération du conseil d'administration de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris en date du 29 juin 2001 portant modification du traitement automatisé d'informations nominatives appelé CORRA mis en oeuvre dans les hôpitaux de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris est annulée.

Article 2 : L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris versera au syndicat national de défense de l'exercice libéral de la médecine à l'hôpital la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions de l'Etat et de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée au SYNDICAT DE DEFENSE DE L'EXERCICE LIBERAL DE LA MEDECINE A L'HOPITAL, à l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris et au ministre des solidarités, de la santé et de la famille.