DROIT INFORMATIQUE

Jurisprudence

CA Versailles, 15 octobre 2001
RG 2001-323P

droit informatique

Les grands arrêts de la jurisprudence en droit informatique : arrêt de la Cour d'appel de Versailles, du 15 octobre 2001 (RG 2001-323P)

Cour d'appel de Versailles
15 octobre 2001, RG 2001-323P

FAITS ET PROCÉDURE A la suite d'un signalement donné par FRANCE TELECOM sur le fonctionnement atypique de 6 lignes téléphoniques installées au domicile d' D X... à PUTEAUX, il était établi, et non contesté par ce dernier, qu'entre les mois de mai 96 et de décembre 97 il avait utilisé une fraude, dénommée "blue box", pour générer des appels sans taxation, notamment auprès de serveurs de lignes érotiques "chat ligne", implantés à l'étranger. Renvoyé devant le tribunal correctionnel de NANTERRE du chef d'accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données, d'importation de marchandises présentées sous une marque contrefaite et d'entrave au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données, les premiers juges ont rendu le 25 mai 2000 le jugement susvisé dont le dispositif est ci-dessus énoncé. Le prévenu a interjeté le 5 juin 2000 appel principal de cette décision, sauf en ce qui concerne la relaxe du chef d'entrave, et le Ministère Public a interjeté le même jour appel incident. Devant la cour, FRANCE TELECOM, partie civile, conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qui concerne la condamnation de Monsieur D X... pour accès et maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données et sollicite qu'il soit par ailleurs reconnu coupable d'entrave au fonctionnement d'un tel système en infirmant le jugement de ce chef. FRANCE TELECOM rappelle également que l'affaire doit revenir prochainement devant les premiers juges afin qu'il soit statué sur son préjudice. Le Ministère Public demande à la cour de déclarer le prévenu coupable non seulement d'importation de marchandises contrefaites et d'accès frauduleux dans un système automatisé de données de télécommunication mais encore de le déclarer coupable d'entrave au fonctionnement d'un tel système et de confirmer la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis en rejetant la demande de non inscription au bulletin n° 2 du casier judiciaire. Le prévenu conclut et fait plaider qu'un central

téléphonique analogique, tel qu'utilisé en l'espèce, ne constitue pas un système automatisé de traitement de données, au sens des textes visés par la prévention, et qu'il ne peut dès lors qu'être relaxé des chefs de la poursuite puisqu'il n'a pas accédé frauduleusement aux centraux analogiques situés à l'étranger et qu'il n'a pas davantage entravé leur fonctionnement. Très subsidiairement, Monsieur D X... soutient que les faits reprochés ont été réalisés hors du territoire national et qu'en l'absence de preuve certaine de l'existence d'une législation étrangère punissant de tels comportements, il doit bénéficier d'une relaxe. Enfin et à titre infiniment subsidiaire, le prévenu prétend également que FRANCE TELECOM ne justifie d'aucun préjudice et ne rapporte pas la preuve que l'utilisation des numéros verts internationaux aurait entraîné une perte de facturation. MOTIFS Considérant que les appels, régulièrement interjetés dans les formes et délais légaux sont recevables ; SUR L'ACTION PUBLIQUE 1 - Sur l'importation des marchandises présentées sous une marque contrefaite Considérant qu'au cours de la perquisition effectuée au domicile de D X... ont été découvert des contrefaçons de disques compacts (CD) pour jeux "Play Station" ; Que le prévenu a reconnu qu'il s'agissait de contrefaçons achetées 50 F pièce auprès d'un fournisseur hollandais ; Que l'infraction qui lui est ainsi reprochée est établie ; 2 - Sur l'accès et le maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données de télécommunications au préjudice de FRANCE TELECOM Considérant que le prévenu a expliqué et reconnu avoir procédé à des appels téléphoniques de numéros dit "verts" à l'aide d'un logiciel et d'un circuit imprimé relié d'un côté à son ordinateur, de l'autre à son téléphone ; Considérant que, grâce à son matériel, D X... simulait un raccroché, leurrant ainsi l'opérateur ; que ce raccroché était suivi d'une simulation de décroché permettant de se positionner sur le circuit téléphonique dont dépendait le numéro

initialement appelé ; Considérant que cette pratique du "raccroché - décroché", autrement dénommé "blue box", doit être réalisée en un temps très court pour produire ses effets (millisecondes), ce qui nécessite du matériel informatique et un logiciel programmé pour produire des fréquences abusant les opérateurs de télécommunications à partir de fichiers son ; Considérant que l'expert GELAS conclut son rapport en indiquant "qu'il n'y a pas de différence de qualification entre une liaison téléinformatique et une liaison de signalisation entre centraux téléphoniques ; Considérant, contrairement aux allégations de Monsieur D X... à ce sujet, que si le mode de transport des communications frauduleuses en cause est bien analogique (signalisation du CCITT n° 5 tel que décrit à l'annexe n° 2 du rapport d'expertise) il n'en reste pas moins que l'ordinateur utilisé en amont par D X... et les installations de l'opérateur distant sont des outils informatiques et constituent en cela des systèmes de traitements automatisés de données exigés par la loi ; Que les propres termes du prévenu relevés à la cote D 45 du dossier confirment bien cette analyse lorsqu'il dit : "pour obtenir la gratuité des appels, j'ai besoin d'un logiciel..... outre le logiciel la "blue box" nécessite, si l'on désire générer des appels en continu, un matériel, un circuit imprimé que l'on relie d'un côté au PC, de l'autre côté au téléphone..." Considérant que la manoeuvre employée par D X... a pour conséquence d'une part d'empêcher l'opérateur étranger d'imputer la communication sur un compte déterminé et, d'autre part, ne permet pas à cet opérateur de régler, dans le cadre des échanges internationaux, le coût de la quote-part du parcours initial à FRANCE TELECOM . Considérant que la substitution d'une signalisation de ligne entre usager et Central international d'arrivée à une signalisation de ligne entre Central international de départ et central international d'arrivée n'est pas un fonctionnement

normal du système ; Considérant que D X..., au moyen du matériel informatique dont il disposait à son domicile de PUTEAUX, a donc bien trompé les opérateurs en télécommunication en vue d'obtenir gratuitement et à leur insu un service qui était payant ; Que dès lors, et contrairement à ce que soutient le prévenu, les faits reprochés n'ont pas été intégralement réalisés en dehors du territoire national ; Qu'il résulte de tout ce qui précède que l'infraction d'accès et de maintien frauduleux dans un système de traitement automatisé de données de télécommunications au préjudice de FRANCE TELECOM est établi à l'encontre de D X... et qu'il doit donc être déclaré coupable. 3 - Sur l'entrave au fonctionnement d'un système de traitement informatisé de données de Télécommunication au préjudice de FRANCE TELECOM Considérant que l'expert GELAS précise à ce sujet : "Aux heures de pointe de trafic, le fait de soustraire d'une direction internationale une ligne entraînera une probabilité de congestion plus importante pour le trafic normal dans la direction concernée. Il entraîne donc une baisse de la qualité de service pour tous les utilisateurs, et constitue le dommage subi par l'opérateur local." Considérant que ce sont en l'espèce 6 lignes téléphoniques qui étaient utilisées par D X... ; Qu'il y a bien entrave dans la mesure où la signalisation provient d'une sur numérotation de la ligne appelante au lieu du central international départ de FRANCE TELECOM comme cela aurait normalement dû se produire ; Considérant dès lors que l'infraction dont s'agit est bien établie et que D X... doit en être déclaré coupable. 4 - Sur la peine Considérant que la peine de 6 mois d'emprisonnement avec sursis prononcée par les premiers juges doit être confirmée, le tribunal ayant exactement retenu que le prévenu n'avait jamais été condamné, qu'il avait respecté le contrôle judiciaire auquel il a été soumis et qu'il avait cessé ses agissements. PAR CES MOTIFS : LA COUR, après en avoir délibéré ,

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire à l'égard de D X..., prévenu, et de la partie civile, EN LA FORME : Reçoit les appels AU FOND : Réforme pour partie le jugement entrepris en ce qu'il a relaxé Monsieur D X... du délit d'entrave au fonctionnement d'un système de traitement automatisé de données de télécommunication. Statuant à nouveau de ce chef, déclare Monsieur D X... coupable de cette infraction. Confirme le jugement en toutes ses autres dispositions relatives à l'action publique. Dit que l'avertissement prévu par l'article 132-29 du Code pénal a été donné au condamné. Et ont signé le présent arrêt, Monsieur DUBREUIL, président, et Madame Y..., greffier. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT. Décision soumise à un droit fixe de procédure (article 1018A du code des impôts) : 800 F ( 121,96€)


 

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